Ch. 16 - Des instruments - Instruments à clavier


Chapitre XVI c
 

Des instruments.
Instruments à clavier




     
La troisième espèce d'instruments à cordes est celle où les cordes sont mises en vibration par le moyen du clavier; ces instruments sont de deux sortes.

La première a pour origine l'imitation des luths et autres instruments dont les cordes étaient pincées par une plume ou par un morceau d'écaille de tortue; imitation qui se fit par un mécanisme, et qui avait l'avantage d'offrir les moyens d'embrasser une plus grande étendue de sons qu'on ne pouvait le faire sur toutes ces variétés de luth.
  • Le premier instrument de cette espèce qu'on fabriqua fut le clavicitherium, qui était monté de cordes de boyau qu'on mettait en vibration au moyen de morceaux de buffle poussés par les touches du clavier.
  • La virginale était aussi un instrument à cordes et à clavier. On a répété souvent que le nom de cet instrument était une flatterie pour Élisabeth, reine d’Angleterre, qui en jouait et qui l'aimait beaucoup ; mais c'est une erreur, car la virginale existait déjà en 1530 et portait le même nom. 
  • Le clavecin était aussi déjà inventé à cette époque. Cet instrument, le plus grand de tous ceux de son espèce, avait à peu près la forme des pianos à queue de nos jours. Il avait souvent deux claviers qui pouvaient être joués ensemble, et qui faisaient sonner à la fois deux notes accordées à l'octave pour chaque touche. Les cordes du clavecin étaient mises en vibration par des languettes de bois armées d'un morceau de plume ou de buffle qui étaient soulevées par les touches du clavier. Le bout de plume ou de buffle ployait en appuyant sur la corde, et la faisait résonner en s'échappant.
  • L'épinette, qui n'était qu'un clavecin carré, était construite sur le même principe. Il y en avait d'une espèce particulière dont le son était fort doux, et qu'on appelait à cause de cela sourdines.

L'autre genre d'instrument à clavier avait eu pour modèles les instruments orientaux appelés qanûn et psalterium ou psaltérion. On sait que le psaltérion, dont on se servait beaucoup autrefois, était composé d'une caisse carrée, sur laquelle une table de sapin était collée. Sur cette table, des cordes de fil de fer ou de laiton étaient tendues par des chevilles et accordées de manière à produire tous les sons delà gamme. Celui qui jouait de cet instrument avait dans chaque main une petite baguette dont il frappait les cordes. Un pareil instrument était à la fois incommode et borné dans ses moyens, on songea à le perfectionner, et des recherches qu'on fit à ce sujet naquit le clavicorde, qui consistait en une caisse d'harmonie de forme triangulaire, avec une table d'harmonie, des chevilles auxquelles étaient attachées des cordes de laiton, et un clavier qui faisait mouvoir de petites lames de cuivre, lesquelles frappaient les cordes.

 Le clavecin, l'épinette et le clavicorde ont continué d'être en usage jusque vers 1785.

Ce fut ce même instrument qui plus tard donna l'idée du piano. Le son grêle et quelquefois désagréable du clavecin, de l'épinette et même du clavicorde, avait déterminé depuis longtemps quelques constructeurs de clavecins à chercher les moyens d'en produire de plus doux; déjà, en 1716, un facteur de Paris, nommé Marius, avait présenté à l'examen de l'Académie des sciences deux clavecins dans lesquels il avait substitué de petits marteaux aux languettes pour frapper les cordes. Deux ans après, Christofori, Florentin, perfectionna cette invention et fit le premier piano qui a servi de modèle pour ceux qu'on a faits depuis lors ; mais il paraît que les premiers essais de ce genre furent reçus froidement, car ce n'est que vers 1760 que Zumpe, en Angleterre, et Silbermann, en Allemagne, eurent des fabriques régulières, et commencèrent à multiplier les pianos. En 1776, MM. Érard frères fabriquèrent les premiers instruments de cette espèce qui aient été construits en France, car jusque-là on avait été obligé de les faire venir de Londres. Les premiers pianos qu'on construisit à cette époque n'avaient qu'une étendue de cinq octaves, et les marteaux frappaient sur deux cordes à l'unisson pour chaque note. Dans la suite, l'étendue du clavier fut successivement portée jusqu'à sept octaves (*), et le nombre de cordes appartenant à chaque note s'éleva jusqu'à trois, afin que le son eût plus de corps et de force. De nombreux changements ou perfectionnements ont été faits dans la fabrication des pianos. Leur volume a été augmenté, leur mécanisme a subi mille transformations, leur qualité de son a cessé d'être maigre et criarde pour devenir moelleuse et puissante.
La forme même de l'instrument a beaucoup varié ; on en a fait
  • en carré long, qui sont ceux dont l'usage a été le plus commun;
  • à queue, c'est-à-dire dans la forme de clavecin ;
  • verticaux, dont les cordes sont verticales ou obliques,
  • et de beaucoup d'autres formes qu'il serait trop long de détailler.
Les pianos anglais ont eu longtemps une supériorité incontestable sur les autres, principalement les pianos à queue ; mais on en construit maintenant à Paris qui peuvent lutter avec eux sous le rapport de la qualité des sons et sous celui du mécanisme. Les pianos allemands, et surtout ceux de Vienne, sont aussi fort agréables, mais leur son est moins puissant. Leur mécanisme, très léger, facilite l'exécution des difficultés.


De tout ce qui vient d être dit, il résulte que les instruments qui ont pour principe des cordes flexibles et sonores sont susceptibles de beaucoup de variété, et qu'ils ont subi des modifications de tout genre, comme tout ce qui appartient à la musique ; les mêmes circonstances se font remarquer dans les instruments qui ont pour principe sonore l'air insufflé.

(*) Récemment.M. Pape, facteur de Paris, a fait de grands pianos à huit octaves.

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