Hommage à un professeur de musique , mort il y a cent ans
Nous ne lui donnerons que ce titre modeste de professeur de musique. Il y tenait, et sans doute il avait des raisons pour y tenir !
Jules Tardy a professé toujours. De l’école au théâtre, du théâtre au concert, sa carrière n’a été qu’un long professorat.
Jules Tardy est peut-être mort à la peine. Ce n’est pas une raison pour lui en vouloir.
Jules Tardy était né à Grenoble. Il y est mort, mardi 10 novembre, à une heure de l’après midi, à l’âge de 55 ans.
Jules Tardy eut une carrière très remplie. Il fut professeur des écoles communales, directeur de diverses sociétés locales, créateur de cercles d’études musicales, qui, après lui, s’efforcent de vouloir, suivant son propos familier, que l’idéal d’art grenoblois ne se borne pas à l’Alcazar (ancienne salle de spectacles de variétés de la rue Vicat, qui devint un cinéma) Plaisanterie d’artiste sur laquelle nous passons vite !
Jules Tardy n’eut que deux maîtres : son père et lui.
Nous ne parlerons point des leçons de piano distraites, qu’il prit, adolescent, à Grenoble. En mathématiques, de telles leçons s ‘appellent des rudiments. Le meilleur de ses connaissances musicales et surtout de sa sensibilité artiste, nous le trouverons volontiers et plus justement, à coup sûr, dans les conseils, dans les avis expérimentés de son père, de ce violoniste un peu violoneux, soit ! – mais d’un talent et d’une sincérité que son fils garda tels quels.
Le père de Jules Tardy était d’ailleurs quelque peu compositeur, et il serait curieux de retrouver, aux volumes de Julien Tiersot, tels ou tels airs populaires de notre Dauphiné, qu’il réentendit sur son violon, qu’il réapprit aux paysans qui les répétèrent. Les traditions sont ainsi faites. Jules Tardy, après son père, n’eut de professeur que lui-même.
Jules Tardy créa l’Association artistique qu’il dirigea douze ans, ce qui lui permit de se témoigner un chef d’orchestre consciencieux, impeccable, vivant et vibrant, si l’on ose dire, l’œuvre qu’il faisait interpréter. On se souvient malheureusement de ces auditions-là que pour les regretter !
Ce fut la période où le pianiste Planté, le violoniste Rinuccini, le violoncelliste Craner, nous révélèrent, où s’aidèrent à nous révéler, tant de chefs-d’œuvre ignorés par nous à cette époque, de Beethoven, de Mozart, de Haydn, de César Franck, de Berlioz, de Wagner, de Lalo, de Delibes, de Reyer, de Saint-Saëns, de Massenet etc…
La musique étrangère moderne a également bien eu sa place dans ces concerts. L’Association artistique, donc, et en résumé, marqua pour Jules Tardy, une rénovation musicale dont la date, -non point seulement parce qu’elle est ancienne, mais parce qu’elle est décisive par l’effort et l’initiative témoignée est définitivement inscrite aux Annales dauphinoises-
Nous aurions dû dire la bonté généreuse et insouciante de Jules Tardy, sa largeur d’esprit, sa vive compréhension de tout ce qui, en plus de la musique, touchait à l’art, toutes les qualités de cœur et d’intelligence dont ses enfants restent héritiers. Mais, au fait, il n’est pas à les dire.
Toutes les notabilités et toutes les autorités de Grenoble, ainsi que de nombreux amis du défunt, ont assisté aux obsèques de Jules Tardy, qui ont eu lieu jeudi 12 novembre. Le défunt avait désiré qu’on ne déposât sur son cercueil ni fleurs ni couronnes.Tous y ont jeté leurs regrets et souvenirs, en gerbes.
Cette anecdote a été rapportée dans Gratianapolis, Témoignage de Madame veuve Jules Tardy, Lettre du 17 juin 1932 à Louis Bassette.
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