Ch. 11 - De la mélodie et du rythme.
Chapitre XI
De la mélodie et du rythme.
De la mélodie et du rythme.
Les textes que nous présentons ici sont issus de la troisième édition du livre de F.J.Fétis:
La Musique mise à la portée de tout le monde,
La Musique mise à la portée de tout le monde,
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C'est dans sa propre voix que l'homme trouve le type originaire de la musique. Cet instrument, le premier de tous, parce qu'il est à la fois le plus touchant et le plus fécond en effets divers, ne donne par lui-même que des idées de successions de sons, et ne fait pas même supposer la possibilité de simultanéité dans leur émission. De là vient sans doute que la mélodie est la première chose qu'on remarque quand une éducation précoce n'a point modifié les dispositions naturelles. Disons plus, c'est elle seule qui attire l'attention de ceux qui sont complètement étrangers aux études musicales, et l'harmonie des accompagnements frappe en vain leur oreille; elle n'est pas entendue. Il y a environ trente ans qu'on s'est assuré, par diverses expériences, qu'une partie du public de nos spectacles croyait que l'orchestre jouait à l'unisson des chanteurs. On est plus instruit maintenant, grâce au perfectionnement des méthodes d'enseignement et à l'influence des journaux. Au reste, il est remarquable que les peuples européens sont les seuls qui ont employé l'union de l'harmonie à la mélodie depuis le moyen-âge; l'antiquité paraît n'en avoir point fait usage, et les Orientaux ne la comprennent pas quand on la leur fait entendre. Il serait facile de démontrer que l'harmonie ne peut s'allier aux divisions de l'échelle musicale de certains peuples, et, d'autre part, qu'elle est le produit presque nécessaire de notre gamme. La mélodie est de tous les pays et de tous les temps; mais ses formes sont variables comme les éléments qui entrent dans sa composition.
Il ne faut pas croire que cette mélodie, telle qu'on l'entend dans les chants populaires et au théâtre, n'ait d'autre règle que la fantaisie. Le génie le plus libre, le plus original, obéit, à son insu, lorsqu'il imagine des chants, à certaines règles de symétrie dont l'effet n'est pas plus de convention que ne l'est le rythme du tambour sur des masses de soldats qu'on fait mouvoir. Qu'on ne croie point que cette régularité de formes n'affecte que ceux qui ont étudié les principes de la musique; quiconque n'a pas l'oreille inerte ou rebelle y est sensible, sans qu'il soit obligé pour cela d'analyser ses sensations.
La différence de vitesse et de lenteur, établie dans un ordre régulier quelconque, constitue ce qu'on nomme le rythme en musique. C'est par le rythme que cet art excite les plus vives émotions, et l'action de ce rythme est d'autant plus puissante qu'elle est plus prolongée. Par exemple, une noire suivie de deux croches est une succession qu'on rencontre à chaque instant dans la musique sans la remarquer; mais qu'elle se prolonge un certain temps, elle deviendra un rythme capable de produire les plus grands effets.
Le rythme est susceptible de beaucoup de variétés. Dans les mouvements lents, tels que l'adagio, le largo, il est presque nul; mais dans les mouvements modérés ou rapides, il est très remarquable. Quelquefois il ne réside que dans la mélodie; d'autres fois il est dans l'accompagnement; enfin, il est des cas où deux rythmes différents, l'un placé dans le chant, l'autre dans l'accompagnement, se combinent pour produire un effet mixte.
La musique dépourvue de rythme est vague et ne peut se prolonger sans faire naître l'ennui. Cependant on emploie quelquefois avec succès des mélodies de cette espèce pour exprimer une certaine rêverie mélancolique, le calme des passions, l'incertitude et d'autres choses semblables. Toutefois, de pareils cas sont rares.
D'après ce qui vient d'être dit, on conçoit que le rythme fait partie des règles de symétrie auxquelles la mélodie est soumise; elle en est la première et la plus impérieuse; c'est elle qui souffre le moins d'exceptions, et à laquelle on est le moins tenté de se soustraire.
(1) La sensation du rythme de la musique est simple ou complexe. Elle est simple quand un seul genre de combinaison de temps frappe l'oreille; elle est complexe quand des combinaisons de genres différents se font entendre en même temps.
La sensation est d'autant plus simple que l'ordre symétrique se compose de moins d'éléments. Les éléments du rythme sont les temps de la mesure et leurs fractions, soit binaires, soit ternaires.
La simplicité de la sensation du rythme diminue en raison de l'augmentation du nombre d'éléments qui entrent dans sa composition.
Le résultat d'une sensation très simple de rythme étant d'affecter l'organe de l'ouïe d'une manière uniforme, cette sensation se fait remarquer sans peine; il n'en est pas de même lorsque le rythme est le produit d'éléments multipliés et diversement combinés. Dans les deux derniers exemples, chaque case de mesure contient des éléments différents, et chacune d'elles, conséquemment, produit une sensation distincte; d'où il suit que la symétrie d'arrangement disparaît, et, par suite, que le rapport rythmique s'affaiblit d'autant plus.
Mais un nouveau rapport de nombres peut résulter de combinaisons semblables. En effet, l'oreille, sans compter le nombre des mesures, est cependant saisie de la sensation de ce nombre; de là naît pour elle la nécessité qu'il se répète, et, si elle est satisfaite sous ce rapport, un nouveau genre de rythme s'établit pour elle par la symétrie des phrases; ce rythme constitue la phraséologie, qu'on désigne en musique sous le nom de carrure des phrases. La nécessité de symétrie dans le nombre de mesures correspondantes établit donc un nouveau genre de rythme, lorsque cette symétrie n'existe plus dans les éléments du rythme des temps, et ce nouveau rythme est d'autant plus satisfaisant pour l'oreille que la similitude est plus parfaite dans l'arrangement des éléments rythmiques de chaque mesure. Ainsi les rythmes qui ont été donnés en dernier lieu comme exemples deviendront réguliers et sensibles si, à chacun de ces exemples, composés de quatre mesures, correspondent des phrases semblables et pour le nombre des mesures et pour l'arrangement des temps.
Exemples.
L'expression de carrure des phrases, dont on se sert dans le langage ordinaire pour désigner le rythme phraséologique, peut faire croire à la nécessité absolue de composer toutes les phrases de quatre mesures; mais cette nécessité n'existe point, car, ainsi qu'il y a un rythme ternaire de temps, il y a un rythme ternaire de mesures. Une phrase de trois mesures, si elle a pour correspondante une autre phrase de trois mesures, sera donc parfaitement rythmique; et le rythme sera surtout satisfaisant si l'arrangement des éléments du rythme de chaque mesure est absolument symétrique dans les deux phrases.
Il y a aussi des phrases correspondantes de cinq mesures chacune; mais à leur égard on peut faire la même observation que pour le rythme de cinq temps par mesure, que quelques auteurs ont essayé d'introduire dans la musique; c'est que l'oreille est absolument inhabile à saisir les rapports de cette combinaison par cinq, et que si des combinaisons semblables ont été essayées avec quelque succès, c'est que l'oreille les a décomposées comme des rythmes alternativement binaires et ternaires, et que la symétrie qui résulte de la répétition établit pour cet organe des rapports d'ordre qui finissent par le satisfaire. Une suite de mesures à cinq temps se présente donc à l'oreille comme une alternative de mesures à deux et à trois temps; une suite de phrases de cinq mesures est une combinaison alternative de phrases de deux et de trois mesures : d'où il résulte que le rythme phraséologique de phrases de cinq mesures est le moins simple de tous, et, par suite, le plus faible pour l'oreille.
Quelquefois la phrase première de quatre mesures est coupée par un repos incident à son milieu, c'est-à-dire au bout de deux mesures; dans ce cas, l'oreille exige que la même césure musicale se fasse sentir dans la phrase complémentaire ou correspondante. Je citerai pour exemple la romance du Prisonnier.
Dans cet exemple, A est le commencement de la proposition dont B est le complément; 1, 2, 3, 4, sont des membres de phrases correspondants et symétriques.
Quelquefois le sens musical reste suspendu après la deuxième phrase de quatre mesures; dans ce cas, une troisième phrase de quatre doit servir de complément, pour satisfaire l'oreille. Tel est l'exemple qu'on en trouve dans la célèbre canzonette du Mariage de Figaro qui commence par ces mots: Mon cœur soupire, etc.
On serait dans l'erreur si, de ce qui a été dit précédemment, on tirait la conséquence qu'un morceau de musique quelconque doit toujours renfermer un nombre pair de mesures; car il arrive souvent que la mesure finale d'une phrase sert aussi de première pour une autre phrase, ce qui rend à la fin le nombre de mesures impair, sans que l'oreille en soit blessée; cette sorte d'enjambement a même de la grâce quand elle est faite à propos.
II n'est pas sans exemple qu'une phrase isolée de cinq ou de trois mesures se trouve placée au milieu d'autres phrases régulières et carrées; mais un pareil défaut est toujours choquant pour une oreille délicate; on peut affirmer avant l'examen que la phrase est mal faite, et qu'en la considérant avec soin l'auteur aurait pu la carrer. Au reste, ce sont des cas fort rares, car le musicien se conforme à la carrure des phrases comme le poète à la mesure des vers, naturellement et sans y penser.
Toutefois, certaines mélodies populaires des pays de montagnes tels que la Suisse, l'Auvergne, l’Écosse, sont empreintes de nombreuses irrégularités de ce genre, et n'en sont pas moins agréables. L'irrégularité est même ce qui plaît le plus dans ces sortes de mélodies, parce qu'elle contribue à leur donner la physionomie particulière, étrange, sauvage, si l'on veut, qui pique notre curiosité en nous tirant de nos habitudes. Mais il ne faut pas s'y tromper; ce qui nous séduit un instant en elles nous fatigue bientôt si nous n'en sommes distraits par d'autre musique, et l'irrégularité qu'on y remarque et qui nous plaisait d'abord finit par nous sembler monotone et affectée. Un musicien peut tirer un parti avantageux de ces sortes de mélodies; mais il faut qu'il sache les employer à propos et qu'il n'en soit point prodigue.
La mélodie, fruit de l'imagination et de la fantaisie, libre de toute entrave en apparence, est donc soumise à trois conditions d'où dépend son existence, savoir : la convenance de tonalité, le rythme et le nombre. On va voir qu'il en est une autre non moins importante, non moins impérieuse et plus difficile; je veux parler de la modulation. On appelle de ce nom le passage d'un ton dans un autre, c'est-à-dire de la gamme d'une note dans la gamme d'une autre note. Il est nécessaire d'expliquer en quoi consiste le mécanisme et le but de ces changements de ton.
Si un morceau de musique était tout entier dans le même ton, il en résulterait une sorte d'uniformité fatigante; cette uniformité se désigne exactement par le nom de monotonie (un seul ton). De petits airs, d'un style naïf et simple, peuvent seuls admettre l'unité de ton sans donner lieu aux inconvénients de la monotonie. Dès qu'il s'agit d'un morceau d'une certaine étendue, la modulation devient nécessaire; mais celle-ci est soumise aux exigences de l'intelligence musicale comme le rythme et la forme des phrases. Dès qu'on veut faire usage de la modulation, ou plutôt dès qu'on y est déterminé par la nature des chants qu'on invente, l'embarras du choix des tons se présente. En effet, l'oreille n'admet pas toute succession de tons. Pour atteindre le but, il faut qu'il y ait quelque analogie entre le ton qu'on quitte et celui dans lequel on entre; et cependant il est un grand nombre de circonstances où la modulation doit être inattendue pour être agréable.
En réfléchissant sur la contradiction qui semble naître de cette double obligation, on s'aperçoit qu'il y a dans un morceau quelconque deux sortes de modulations; l'une, principale, qui en détermine la forme; l'autre, accessoire, qui n'est qu'épisodique. La modulation principale ayant pour objet, tout en contribuant à la variété, de présenter avec simplicité la pensée du compositeur, n'admet que l'analogie de ton dont il vient d'être parlé, tandis que les modulations incidentes, étant destinées à réveiller l'attention de l'auditeur par des effets piquants, ne sont point soumises à cette analogie. Plus la première est naturelle et simple, plus elle est satisfaisante; plus les autres sont inattendues, plus elles contribuent à augmenter l'effet.
Cela posé, une nouvelle difficulté se présente : la voici.
Quel que soit le ton principal choisi par l'auteur d'un morceau de musique, plusieurs autres tons se groupent autour de lui de manière à être avec lui en rapport d'analogie; car s'il s'agit d'un ton majeur, on trouve d'abord le ton mineur relatif, c'est-à-dire celui qui a le même nombre de dièses ou de bémols, puis celui qui a un dièse ou un bémol de plus, et enfin celui qui a un dièse ou un bémol de moins; s'il est question au contraire d'un ton mineur, on trouve d'abord le ton majeur relatif, c'est-à-dire celui qui a le même nombre de dièses ou de bémols, puis ceux qui ont un dièse ou un bémol de plus ou de moins. Mais de tous ces tons, quel est celui qu'il faut adopter? Voilà ce qui heureusement est en question; car on conçoit que s'il n'y avait qu'une manière de sortir du ton principal, la modulation serait toujours prévue, et dès lors le plaisir causé par la musique serait beaucoup diminué, ou même s'évanouirait complètement. Il suffit, pour qu'une modulation soit agréable et régulière, qu'elle ait lieu du ton principal à l'un de ses analogues, c'est-à-dire qu'elle introduise dans la mélodie un dièse ou un bémol de plus, ou qu'elle en retranche un. Supposons un ton majeur, ré, par exemple, dans lequel y a deux dièses, savoir, au fa et à l'ut : la pensée du compositeur pourra être également simple et naturelle, soit qu'il conduise sa modulation en si mineur, où il y a le même nombre de dièses; soit que cette modulation passe en la, où il y a un dièse de plus; en fa dièse mineur, où se trouve aussi un dièse de plus, et en sol, où il y a un dièse de moins : la fantaisie seule détermine le choix.
Toute modulation principale peut donc se faire par quatre tons différents. Et qu'on ne croie pas que le pédantisme des écoles a limité les choses à ce petit nombre de moyens; les compositeurs les plus audacieux, ceux dont le génie a le plus d'indépendance, ont été ramenés malgré eux à s'y renfermer, parce qu'ils ont reconnu que tout ce qui en sort choque l'oreille au lieu de lui plaire. Ils ne se livrent à des écarts et ne s'abandonnent à toutes les saillies modulées de leur imagination qu'après avoir établi d'abord régulièrement la modulation principale; mais celles-là, loin de déplaire à l'oreille, lui procurent des sensations d'autant plus vives qu'elles sont plus inattendues.
Je viens de dire que tous les compositeurs se conforment au système régulier de la modulation principale; je dois ajouter que parmi les quatre tons dont on peut se servir pour cet objet, il est ordinaire qu'on en adopte un de préférence à d'autres pour le faire entendre plus souvent. Ainsi, bien que la modulation la plus simple, la plus naturelle, la plus universellement adoptée, soit celle où la mélodie passe d'un ton majeur dans un autre ton majeur qui a un bémol de moins ou un dièse de plus, comme de ré en la, ou bien d'un ton mineur au ton majeur relatif, comme de si mineur en ré majeur, cependant quelques musiciens ont préféré des modulations moins usitées, et s'en sont servis habituellement. Rossini, par exemple, a adopté la modulation qui passe d'un ton majeur à un ton mineur avec un dièse de plus, comme du ton de ré majeur au ton de fa dièse mineur; mais il s'est servi si souvent de ce moyen, qu'il l'a usé et l'a même rendu trivial.
Telles sont donc les conditions principales de la mélodie :
Mais, dit-on, il n'est pas besoin de tout examiner pour savoir si telle mélodie est agréable ou déplaisante ! Cela se sent plus que cela ne s'analyse, et tout le monde est en état de juger de ses sensations. — Ces vérités sont incontestables; mais qu'en faut-il conclure ? Que chacun est en droit d'affirmer que telle mélodie lui plaît ou lui semble insignifiante ou désagréable, mais non de décider de son mérite, s'il n'est en état de l'analyser. A Dieu ne plaise qu'on soit contraint d'analyser les mesures des phrases pour s'assurer qu'elles sont carrées ! un pareil travail, indigne de quiconque a le sentiment de la musique, n'est jamais nécessaire quand on a su rendre son oreille délicate sous le double rapport du rythme et du nombre. C'est à perfectionner cet organe qu'il faut travailler, et, pour y parvenir, l'attention seule est nécessaire, sans y joindre le secours de la science. Qu'un homme du monde, au lieu de s'abandonner sans réserve au plaisir vague que lui cause un air, un duo, se décide à en examiner l'ordonnance, à considérer la disposition et le retour des phrases, les rythmes principaux, la cadence, etc. : d'abord ce travail lui sera pénible et troublera ses jouissances; mais insensiblement l'habitude suppléera l'attention, et bientôt elle sera telle que l'attention même sera moins nécessaire. Alors, ce qui n'aura paru d'abord qu'un calcul aride deviendra l'origine d'un jugement facile et la source des plus vives jouissances.
Il est une autre objection qu'on répète volontiers et qu'il ne faut pas laisser sans réponse, parce qu'elle est spécieuse et peut faire naître des doutes, même dans un esprit juste. " Gardez-vous de toute cette science, - disent ceux qu'une paresse invincible domine; elle ne peut qu'affaiblir vos plaisirs. Les arts ne nous procurent de jouissances qu'autant que leurs effets sont imprévus. Ne cherchez donc point à acquérir des connaissances dont le résultat doit être de vous rendre propres à juger plutôt qu'à sentir. " — Tout ce raisonnement est fondé sur cet axiome de philosophie : " Apercevoir, c'est sentir; comparer, c'est juger. " Mais le perfectionnement de l'organe auditif, qui résulte de l'observation de l'effet des sons, n'est qu'un moyen de percevoir mieux et d'augmenter par là la somme de ses jouissances. Voilà pourquoi l'attention est nécessaire à l'homme du monde, tandis que celui-ci tirerait peu d'utilité d'un savoir imparfait. Tout le monde porte des jugements sur la musique, les uns par un instinct aveugle et avec précipitation, les autres par un goût plus sûr, plus exercé. Qui oserait dire que la première espèce de jugements vaut mieux que l'autre?
Lorsque je traiterai de l'expression dramatique, je ferai voir quelle est la portion de la mélodie que l'oreille la moins exercée juge sainement par instinct.
(1) Ce morceau est extrait de la quatrième leçon du cours de philosophie et d'histoire de la musique, par l'auteur de cet ouvrage.
(2) Ces deux mots sont synonymes. Le second est tiré de l'italien cantilena.
Il ne faut pas croire que cette mélodie, telle qu'on l'entend dans les chants populaires et au théâtre, n'ait d'autre règle que la fantaisie. Le génie le plus libre, le plus original, obéit, à son insu, lorsqu'il imagine des chants, à certaines règles de symétrie dont l'effet n'est pas plus de convention que ne l'est le rythme du tambour sur des masses de soldats qu'on fait mouvoir. Qu'on ne croie point que cette régularité de formes n'affecte que ceux qui ont étudié les principes de la musique; quiconque n'a pas l'oreille inerte ou rebelle y est sensible, sans qu'il soit obligé pour cela d'analyser ses sensations.
La différence de vitesse et de lenteur, établie dans un ordre régulier quelconque, constitue ce qu'on nomme le rythme en musique. C'est par le rythme que cet art excite les plus vives émotions, et l'action de ce rythme est d'autant plus puissante qu'elle est plus prolongée. Par exemple, une noire suivie de deux croches est une succession qu'on rencontre à chaque instant dans la musique sans la remarquer; mais qu'elle se prolonge un certain temps, elle deviendra un rythme capable de produire les plus grands effets.
Le rythme est susceptible de beaucoup de variétés. Dans les mouvements lents, tels que l'adagio, le largo, il est presque nul; mais dans les mouvements modérés ou rapides, il est très remarquable. Quelquefois il ne réside que dans la mélodie; d'autres fois il est dans l'accompagnement; enfin, il est des cas où deux rythmes différents, l'un placé dans le chant, l'autre dans l'accompagnement, se combinent pour produire un effet mixte.
La musique dépourvue de rythme est vague et ne peut se prolonger sans faire naître l'ennui. Cependant on emploie quelquefois avec succès des mélodies de cette espèce pour exprimer une certaine rêverie mélancolique, le calme des passions, l'incertitude et d'autres choses semblables. Toutefois, de pareils cas sont rares.
D'après ce qui vient d'être dit, on conçoit que le rythme fait partie des règles de symétrie auxquelles la mélodie est soumise; elle en est la première et la plus impérieuse; c'est elle qui souffre le moins d'exceptions, et à laquelle on est le moins tenté de se soustraire.
(1) La sensation du rythme de la musique est simple ou complexe. Elle est simple quand un seul genre de combinaison de temps frappe l'oreille; elle est complexe quand des combinaisons de genres différents se font entendre en même temps.
La sensation est d'autant plus simple que l'ordre symétrique se compose de moins d'éléments. Les éléments du rythme sont les temps de la mesure et leurs fractions, soit binaires, soit ternaires.
Exemples de quelques éléments de rythmes simples.
La simplicité de la sensation du rythme diminue en raison de l'augmentation du nombre d'éléments qui entrent dans sa composition.
Exemples de rythmes composés de plusieurs éléments
Le résultat d'une sensation très simple de rythme étant d'affecter l'organe de l'ouïe d'une manière uniforme, cette sensation se fait remarquer sans peine; il n'en est pas de même lorsque le rythme est le produit d'éléments multipliés et diversement combinés. Dans les deux derniers exemples, chaque case de mesure contient des éléments différents, et chacune d'elles, conséquemment, produit une sensation distincte; d'où il suit que la symétrie d'arrangement disparaît, et, par suite, que le rapport rythmique s'affaiblit d'autant plus.
Mais un nouveau rapport de nombres peut résulter de combinaisons semblables. En effet, l'oreille, sans compter le nombre des mesures, est cependant saisie de la sensation de ce nombre; de là naît pour elle la nécessité qu'il se répète, et, si elle est satisfaite sous ce rapport, un nouveau genre de rythme s'établit pour elle par la symétrie des phrases; ce rythme constitue la phraséologie, qu'on désigne en musique sous le nom de carrure des phrases. La nécessité de symétrie dans le nombre de mesures correspondantes établit donc un nouveau genre de rythme, lorsque cette symétrie n'existe plus dans les éléments du rythme des temps, et ce nouveau rythme est d'autant plus satisfaisant pour l'oreille que la similitude est plus parfaite dans l'arrangement des éléments rythmiques de chaque mesure. Ainsi les rythmes qui ont été donnés en dernier lieu comme exemples deviendront réguliers et sensibles si, à chacun de ces exemples, composés de quatre mesures, correspondent des phrases semblables et pour le nombre des mesures et pour l'arrangement des temps.
Exemples.
Dans ces exemples, il y a parité non seulement à l'égard du nombre de mesures de chaque phrase, mais la cinquième mesure répond exactement à la première pour l'arrangement des éléments du rythme, la sixième à la seconde, la septième à la troisième, et la huitième à la quatrième. Une différence se fait cependant remarquer entre les deux phrases du premier exemple, car au lieu de deux blanches qui se trouvent dans la quatrième mesure, il n'y en a qu'une suivie d'un silence dans la huitième. La raison de cette différence est qu'après les deux phrases le sens rythmique est terminé, et que le premier temps de la dernière mesure est précisément le point de la terminaison.
L'arrangement du rythme phraséologique n'est pas toujours aussi régulier que dans les exemples dont il s'agit; mais on peut affirmer que moins il y a de régularité dans cet arrangement, plus la sensation de ce genre de rythme s'affaiblit.
L'expression de carrure des phrases, dont on se sert dans le langage ordinaire pour désigner le rythme phraséologique, peut faire croire à la nécessité absolue de composer toutes les phrases de quatre mesures; mais cette nécessité n'existe point, car, ainsi qu'il y a un rythme ternaire de temps, il y a un rythme ternaire de mesures. Une phrase de trois mesures, si elle a pour correspondante une autre phrase de trois mesures, sera donc parfaitement rythmique; et le rythme sera surtout satisfaisant si l'arrangement des éléments du rythme de chaque mesure est absolument symétrique dans les deux phrases.
Il y a aussi des phrases correspondantes de cinq mesures chacune; mais à leur égard on peut faire la même observation que pour le rythme de cinq temps par mesure, que quelques auteurs ont essayé d'introduire dans la musique; c'est que l'oreille est absolument inhabile à saisir les rapports de cette combinaison par cinq, et que si des combinaisons semblables ont été essayées avec quelque succès, c'est que l'oreille les a décomposées comme des rythmes alternativement binaires et ternaires, et que la symétrie qui résulte de la répétition établit pour cet organe des rapports d'ordre qui finissent par le satisfaire. Une suite de mesures à cinq temps se présente donc à l'oreille comme une alternative de mesures à deux et à trois temps; une suite de phrases de cinq mesures est une combinaison alternative de phrases de deux et de trois mesures : d'où il résulte que le rythme phraséologique de phrases de cinq mesures est le moins simple de tous, et, par suite, le plus faible pour l'oreille.
Quelquefois la phrase première de quatre mesures est coupée par un repos incident à son milieu, c'est-à-dire au bout de deux mesures; dans ce cas, l'oreille exige que la même césure musicale se fasse sentir dans la phrase complémentaire ou correspondante. Je citerai pour exemple la romance du Prisonnier.
Dans cet exemple, A est le commencement de la proposition dont B est le complément; 1, 2, 3, 4, sont des membres de phrases correspondants et symétriques.
Quelquefois le sens musical reste suspendu après la deuxième phrase de quatre mesures; dans ce cas, une troisième phrase de quatre doit servir de complément, pour satisfaire l'oreille. Tel est l'exemple qu'on en trouve dans la célèbre canzonette du Mariage de Figaro qui commence par ces mots: Mon cœur soupire, etc.
On serait dans l'erreur si, de ce qui a été dit précédemment, on tirait la conséquence qu'un morceau de musique quelconque doit toujours renfermer un nombre pair de mesures; car il arrive souvent que la mesure finale d'une phrase sert aussi de première pour une autre phrase, ce qui rend à la fin le nombre de mesures impair, sans que l'oreille en soit blessée; cette sorte d'enjambement a même de la grâce quand elle est faite à propos.
II n'est pas sans exemple qu'une phrase isolée de cinq ou de trois mesures se trouve placée au milieu d'autres phrases régulières et carrées; mais un pareil défaut est toujours choquant pour une oreille délicate; on peut affirmer avant l'examen que la phrase est mal faite, et qu'en la considérant avec soin l'auteur aurait pu la carrer. Au reste, ce sont des cas fort rares, car le musicien se conforme à la carrure des phrases comme le poète à la mesure des vers, naturellement et sans y penser.
Toutefois, certaines mélodies populaires des pays de montagnes tels que la Suisse, l'Auvergne, l’Écosse, sont empreintes de nombreuses irrégularités de ce genre, et n'en sont pas moins agréables. L'irrégularité est même ce qui plaît le plus dans ces sortes de mélodies, parce qu'elle contribue à leur donner la physionomie particulière, étrange, sauvage, si l'on veut, qui pique notre curiosité en nous tirant de nos habitudes. Mais il ne faut pas s'y tromper; ce qui nous séduit un instant en elles nous fatigue bientôt si nous n'en sommes distraits par d'autre musique, et l'irrégularité qu'on y remarque et qui nous plaisait d'abord finit par nous sembler monotone et affectée. Un musicien peut tirer un parti avantageux de ces sortes de mélodies; mais il faut qu'il sache les employer à propos et qu'il n'en soit point prodigue.
La mélodie, fruit de l'imagination et de la fantaisie, libre de toute entrave en apparence, est donc soumise à trois conditions d'où dépend son existence, savoir : la convenance de tonalité, le rythme et le nombre. On va voir qu'il en est une autre non moins importante, non moins impérieuse et plus difficile; je veux parler de la modulation. On appelle de ce nom le passage d'un ton dans un autre, c'est-à-dire de la gamme d'une note dans la gamme d'une autre note. Il est nécessaire d'expliquer en quoi consiste le mécanisme et le but de ces changements de ton.
Si un morceau de musique était tout entier dans le même ton, il en résulterait une sorte d'uniformité fatigante; cette uniformité se désigne exactement par le nom de monotonie (un seul ton). De petits airs, d'un style naïf et simple, peuvent seuls admettre l'unité de ton sans donner lieu aux inconvénients de la monotonie. Dès qu'il s'agit d'un morceau d'une certaine étendue, la modulation devient nécessaire; mais celle-ci est soumise aux exigences de l'intelligence musicale comme le rythme et la forme des phrases. Dès qu'on veut faire usage de la modulation, ou plutôt dès qu'on y est déterminé par la nature des chants qu'on invente, l'embarras du choix des tons se présente. En effet, l'oreille n'admet pas toute succession de tons. Pour atteindre le but, il faut qu'il y ait quelque analogie entre le ton qu'on quitte et celui dans lequel on entre; et cependant il est un grand nombre de circonstances où la modulation doit être inattendue pour être agréable.
En réfléchissant sur la contradiction qui semble naître de cette double obligation, on s'aperçoit qu'il y a dans un morceau quelconque deux sortes de modulations; l'une, principale, qui en détermine la forme; l'autre, accessoire, qui n'est qu'épisodique. La modulation principale ayant pour objet, tout en contribuant à la variété, de présenter avec simplicité la pensée du compositeur, n'admet que l'analogie de ton dont il vient d'être parlé, tandis que les modulations incidentes, étant destinées à réveiller l'attention de l'auditeur par des effets piquants, ne sont point soumises à cette analogie. Plus la première est naturelle et simple, plus elle est satisfaisante; plus les autres sont inattendues, plus elles contribuent à augmenter l'effet.
Cela posé, une nouvelle difficulté se présente : la voici.
Quel que soit le ton principal choisi par l'auteur d'un morceau de musique, plusieurs autres tons se groupent autour de lui de manière à être avec lui en rapport d'analogie; car s'il s'agit d'un ton majeur, on trouve d'abord le ton mineur relatif, c'est-à-dire celui qui a le même nombre de dièses ou de bémols, puis celui qui a un dièse ou un bémol de plus, et enfin celui qui a un dièse ou un bémol de moins; s'il est question au contraire d'un ton mineur, on trouve d'abord le ton majeur relatif, c'est-à-dire celui qui a le même nombre de dièses ou de bémols, puis ceux qui ont un dièse ou un bémol de plus ou de moins. Mais de tous ces tons, quel est celui qu'il faut adopter? Voilà ce qui heureusement est en question; car on conçoit que s'il n'y avait qu'une manière de sortir du ton principal, la modulation serait toujours prévue, et dès lors le plaisir causé par la musique serait beaucoup diminué, ou même s'évanouirait complètement. Il suffit, pour qu'une modulation soit agréable et régulière, qu'elle ait lieu du ton principal à l'un de ses analogues, c'est-à-dire qu'elle introduise dans la mélodie un dièse ou un bémol de plus, ou qu'elle en retranche un. Supposons un ton majeur, ré, par exemple, dans lequel y a deux dièses, savoir, au fa et à l'ut : la pensée du compositeur pourra être également simple et naturelle, soit qu'il conduise sa modulation en si mineur, où il y a le même nombre de dièses; soit que cette modulation passe en la, où il y a un dièse de plus; en fa dièse mineur, où se trouve aussi un dièse de plus, et en sol, où il y a un dièse de moins : la fantaisie seule détermine le choix.
Toute modulation principale peut donc se faire par quatre tons différents. Et qu'on ne croie pas que le pédantisme des écoles a limité les choses à ce petit nombre de moyens; les compositeurs les plus audacieux, ceux dont le génie a le plus d'indépendance, ont été ramenés malgré eux à s'y renfermer, parce qu'ils ont reconnu que tout ce qui en sort choque l'oreille au lieu de lui plaire. Ils ne se livrent à des écarts et ne s'abandonnent à toutes les saillies modulées de leur imagination qu'après avoir établi d'abord régulièrement la modulation principale; mais celles-là, loin de déplaire à l'oreille, lui procurent des sensations d'autant plus vives qu'elles sont plus inattendues.
Je viens de dire que tous les compositeurs se conforment au système régulier de la modulation principale; je dois ajouter que parmi les quatre tons dont on peut se servir pour cet objet, il est ordinaire qu'on en adopte un de préférence à d'autres pour le faire entendre plus souvent. Ainsi, bien que la modulation la plus simple, la plus naturelle, la plus universellement adoptée, soit celle où la mélodie passe d'un ton majeur dans un autre ton majeur qui a un bémol de moins ou un dièse de plus, comme de ré en la, ou bien d'un ton mineur au ton majeur relatif, comme de si mineur en ré majeur, cependant quelques musiciens ont préféré des modulations moins usitées, et s'en sont servis habituellement. Rossini, par exemple, a adopté la modulation qui passe d'un ton majeur à un ton mineur avec un dièse de plus, comme du ton de ré majeur au ton de fa dièse mineur; mais il s'est servi si souvent de ce moyen, qu'il l'a usé et l'a même rendu trivial.
Telles sont donc les conditions principales de la mélodie :
- 1° convenance de tonalité;
- 2° symétrie de rythme;
- 3° symétrie de nombre;
- 4° régularité de modulation.
- Il est des mélodies qui séduisent par elles-mêmes et dépouillées de tout ornement étranger, même d'accompagnement; celles-là sont en petit nombre.
- Il en est d'autres qui, bien que purement mélodiques, ont besoin du secours d'une harmonie quelconque pour produire leur effet. Il en est enfin dont l'origine réside dans l'harmonie qui les accompagne. Quiconque n'est pas insensible à l'effet des sons saisit facilement l'ensemble des mélodies de la première espèce : de là vient que celles-ci sont bientôt populaires. Les mélodies qui ne produisent leur effet qu'avec le secours d'un accompagnement quelconque n'exigent pas de grandes connaissances musicales pour être comprises, mais toutefois elles ne peuvent plaire qu'aux oreilles habituées à entendre de la musique.
- Quant aux mélodies de la troisième espèce, qu'on peut nommer mélodies harmoniques, les musiciens seuls sont en état de les apprécier, parce qu'au lieu d'être le résultat d'une idée simple, elles se compliquent de divers éléments et exigent conséquemment une sorte d'analyse pour être comprises : analyse qu'un musicien fait avec la rapidité de l'éclair, mais que l'homme du monde ne peut faire que lentement et avec peine. Ce ne sont pas moins des mélodies très réelles, et c'est à tort qu'on s'écrie souvent qu'il n'y a point de chant dans un morceau quelconque, lorsque ce genre de mélodie s'y trouve; on devrait dire seulement que le chant n'en est pas facile à comprendre. S'attacher à en saisir l'esprit serait augmenter ses jouissances et n'exigerait pas une étude fort longue; mais la paresse naturelle que nous portons en toute chose exerce son influence même sur nos plaisirs.
Mais, dit-on, il n'est pas besoin de tout examiner pour savoir si telle mélodie est agréable ou déplaisante ! Cela se sent plus que cela ne s'analyse, et tout le monde est en état de juger de ses sensations. — Ces vérités sont incontestables; mais qu'en faut-il conclure ? Que chacun est en droit d'affirmer que telle mélodie lui plaît ou lui semble insignifiante ou désagréable, mais non de décider de son mérite, s'il n'est en état de l'analyser. A Dieu ne plaise qu'on soit contraint d'analyser les mesures des phrases pour s'assurer qu'elles sont carrées ! un pareil travail, indigne de quiconque a le sentiment de la musique, n'est jamais nécessaire quand on a su rendre son oreille délicate sous le double rapport du rythme et du nombre. C'est à perfectionner cet organe qu'il faut travailler, et, pour y parvenir, l'attention seule est nécessaire, sans y joindre le secours de la science. Qu'un homme du monde, au lieu de s'abandonner sans réserve au plaisir vague que lui cause un air, un duo, se décide à en examiner l'ordonnance, à considérer la disposition et le retour des phrases, les rythmes principaux, la cadence, etc. : d'abord ce travail lui sera pénible et troublera ses jouissances; mais insensiblement l'habitude suppléera l'attention, et bientôt elle sera telle que l'attention même sera moins nécessaire. Alors, ce qui n'aura paru d'abord qu'un calcul aride deviendra l'origine d'un jugement facile et la source des plus vives jouissances.
Il est une autre objection qu'on répète volontiers et qu'il ne faut pas laisser sans réponse, parce qu'elle est spécieuse et peut faire naître des doutes, même dans un esprit juste. " Gardez-vous de toute cette science, - disent ceux qu'une paresse invincible domine; elle ne peut qu'affaiblir vos plaisirs. Les arts ne nous procurent de jouissances qu'autant que leurs effets sont imprévus. Ne cherchez donc point à acquérir des connaissances dont le résultat doit être de vous rendre propres à juger plutôt qu'à sentir. " — Tout ce raisonnement est fondé sur cet axiome de philosophie : " Apercevoir, c'est sentir; comparer, c'est juger. " Mais le perfectionnement de l'organe auditif, qui résulte de l'observation de l'effet des sons, n'est qu'un moyen de percevoir mieux et d'augmenter par là la somme de ses jouissances. Voilà pourquoi l'attention est nécessaire à l'homme du monde, tandis que celui-ci tirerait peu d'utilité d'un savoir imparfait. Tout le monde porte des jugements sur la musique, les uns par un instinct aveugle et avec précipitation, les autres par un goût plus sûr, plus exercé. Qui oserait dire que la première espèce de jugements vaut mieux que l'autre?
Lorsque je traiterai de l'expression dramatique, je ferai voir quelle est la portion de la mélodie que l'oreille la moins exercée juge sainement par instinct.
(1) Ce morceau est extrait de la quatrième leçon du cours de philosophie et d'histoire de la musique, par l'auteur de cet ouvrage.
(2) Ces deux mots sont synonymes. Le second est tiré de l'italien cantilena.
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