Le piano a été inventé à Grenoble

Une nouvelle anecdote au titre de la culture locale publiée sur Corpsyphoniog, le blog de Corpsyphonie, site internet Grenoblois dédié au chant, aux chanteurs et à l'apprentissage de l'art vocal.


Tiré de l’ouvrage « Chronique dauphinoise du début du siècle »

Extrait de Grenoble-Revue du 15 octobre 1890

Monsieur Pradel n’y met vraiment pas assez de circonspection et de mesure ; il touche irrévérencieusement à nos gloires.

Le piano, le sait-il ? est né à Grenoble…

Oui, l’instrument, cher à Monsieur Massenet, détesté de Monsieur Reyer, que Berlioz ne sut jamais toucher –ce qui me console de n’avoir pas le talent de Jules Tardy - a été inventé par un maître de chapelle de la cathédrale.

Rien ne manque à sa gloire : il manquait à la nôtre…

Du moins, que ce titre d’honneur appartient à notre cité, c’est à M.A. Prudhomme qui, dans son excellente « Histoire de Grenoble », nous l’affirme, et je n’ai pas de raison pour douter de la parole de l’érudit archiviste de l’Isère :


-La musique comptait (dans notre ville), depuis le commencement du XVIIIe. siècle, avec des amis très ardents, quelques maîtres de talent. A leur tête, on doit nommer le compositeur Joseph Antoine Berger, qui fut, pendant de longues années, l’organiste de l’église Notre-Dame. Il perfectionna les épinettes, de façon à leur rendre non seulement un jeu du luth, celui de la harpe, le « piano », le « forte » mais encore le « crescendo », effet qui, jusqu’alors avait été regardé comme impossible à trouver. L’académie des sciences à laquelle il communiqua son projet, en 1765, reconnu l’importance de sa découverte et lui adressa ses félicitations. Encouragé par cette haute approbation, Berger poursuivit ses études et imagina d’adapter un clavier à une harpe ordinaire. Le principe du piano était trouvé !

Malheureusement, notre artiste confia l’exécution de son instrument à un Allemand nommé Tuque, lequel, au moment où l’œuvre était presque achevée, s’enfuit dans son Pays, emportant la mécanique et les plans de Berger-


Je n’ai pas d’autres détails sur l’invention de Berger, on peut sans doute objecter que le principe du clavier était, dès longtemps, connu, puisque clavecins et clavicordes paraissent exister dès le XVe. siècle, mais on sait aussi que la mise en vibration des cordes, au lieu d’être obtenue par le heurt d’un marteau, l’était par la pression d’une pointe de plume de corbeau.

La modification est-elle l’œuvre de Berger ? Il semblerait bien. Le mécanisme du clavecin ne permet de tirer, de l’instrument, que des sonorités grêles, sans modifications possibles, que des murmures délicats toujours semblables, tandis, comme on vient de le voir, que Berger avait trouvé le moyen de faire passer le son par toutes les nuances, du pianissimo au fortissimo.

Honneur donc à Berger, inventeur du piano ! (*) Que sa mémoire soit bénie par les filles de nos concierges qui se préparent aux concours du conservatoire !

Notre patriotisme local nous interdit, désormais, de honnir l’admirable instrument, et, pour ma part, je me déclare dorénavant prêt à subir sans défaillance (au risque de m’en aller remettre à saint Robert) tous les exercices de Czerny, exécutés, dans tous les sens du mot, par ma petite voisine du second…

Voilà encore une statue qui nous manque ! (**)…

On pourrait bien charger Monsieur Pradel de recueillir les souscriptions, pour lui apprendre…

Le forte-piano, après avoir fait, de Grenoble en Allemagne, la fugue que l’on sait (une fugue que Sébastien Bach n’a pas songé à écrire) rentra en France en 1775. Ce fut Mademoiselle Bayon qui épousa Louis, l’architecte du Grand Théâtre de Bordeaux, qui le fit connaître.

La correspondance de Métra, à la date du 3 août 1776, contient ces lignes :

-Ce fut elle (Madame Louis) qui mit à la mode le piano-forte, instrument qui a aujourd’hui la plus grande vogue-

On a détruit la Bastille depuis mais le piano reste toujours, versant des torrents d’harmonies sur ses obscurs blasphémateurs.

Raoul Montès

* J’ignore si notre sympathique adjudant de police compte en notre inventeur un glorieux ancêtre. On pourrait, si c’était exact, conclure que, dans la famille, l’amour de la musique s’est maintenu. Il n’y a que l’instrument de changé, l’aïeul s’occupait de piano, le descendant s’occupe de violon.

** Depuis quelques années, les bronzes et les marbres jaillissent pour ainsi dire spontanément du sol français ; nous sommes atteints, dit-on, de la STATUMANIE. D’aucuns rient et plaisantent cette rage d’ériger des monuments à tous nos grands hommes de première et de seconde catégorie. C’est un petit ridicule, si l’on veut, mais c’est un ridicule qui nous sauve de l’ingratitude…



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